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    "Les loups que j'ai connus..." : 60 ans avant #MeToo, Marilyn Monroe a écrit le premier article exposant le comportement des castings à Hollywood
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    En janvier 1953, Marilyn Monroe prit la plume pour écrire un très fameux article, intitulé "Les loups que j'ai connus", dans lequel elle dénonçait la culture toxique d'Hollywood et les comportements prédateurs des hommes.

    Loin des clichés de la blonde platine plus ou moins écervelée que les studios auraient volontiers cultivé sans fin, Marilyn Monroe était d'une grande sensibilité et lucidité sur son métier, assumant sans complexe tout ce qu'elle fit, avant même que sa carrière cinématographique ne soit définitivement mise sur orbite après le succès de Niagara.

    Comme ses fameuses photos de nu qui furent réimprimées sur un calendrier, en 1952. Cela provoqua un scandale, dans une Amérique encore très puritaine. Les Executives de la Fox, qui devaient sortir Les Hommes préfèrent les blondes l'année suivante, demandèrent à Marilyn de nier catégoriquement qu'il s'agissait d'elle sur les photos.

    Elle refusa, comme elle l'expliqua à la journaliste Aline Mosby de l'agence United Press International, qui fut la première à rapporter l'information sur ces photos : "Oh, le calendrier est accroché dans tous les garages de la ville. Pourquoi le nier ? Vous pouvez en obtenir un n'importe où. D'ailleurs, je n'en ai pas honte. Je n'ai rien fait de mal."

    "Les loups que j'ai connus..."

    A la même époque, en janvier 1953 pour être plus précis, Marilyn Monroe a eu le courage de s'attaquer sans crainte à la pratique prédatrice d'Hollywood de la "promotion canapé", où les hommes occupant des positions puissantes, qu'ils soient réalisateurs, patrons de studios ou producteurs, abusaient sexuellement des talents féminins en échange d'un rôle ou de faveurs, y compris elle. Et pas que des hommes puissants d'ailleurs.

    64 ans avant la vague #MeToo née dans le sillage du scandale de l'affaire Weinstein, il faut mesurer le courage de l'actrice d'avoir osé mettre sur la place publique ce qu'il se passait dans les arrières cuisines peu reluisantes d'Hollywood.

    D.R.

    A l'âge de 27 ans, Marilyn prit la plume pour écrire un célèbre article dans Motion Picture and Television Magazine, intitulé "Wolves I Have Known". "Il existe de nombreuses espèces de loups. Certains sont sinistres, d'autres ne sont que des batifoleurs qui essaient d'obtenir quelque chose pour rien et d'autres en font un jeu" écrivait-elle.

    Et de dérouler ses expériences. "Le premier type aurait dû avoir honte de lui-même, car il essayait de profiter d’une simple enfant" se souvient-elle, alors qu'elle était encore toute jeune mannequin. Ce même homme lui avait fait croire qu'il occupait un bureau au sein du studio de Samuel Goldwyn. Non seulement il ne travaillait pas au sein du studio, mais il la fit venir soi-disant pour une lecture de script carrément allongé sur un canapé.

    "Les filles de tous les horizons doivent faire très attention à ne pas se retrouver comme un scalp de plus à la ceinture d’un homme. À Hollywood, nous devons faire des heures supplémentaires pour déjouer les loups. C’est parce que des loups de toutes sortes viennent de loin et de près pour piéger les petits chaperons rouges des films".

    Les prédateurs rencontrés avant sa carrière hollywoodienne n'étaient pas les pires selon ses dires; les pires se trouvaient dans les travées d'Hollywood : "C’étaient des amateurs grossiers comparés à ceux que j’ai rencontrés après que mon nom ait commencé à apparaître dans les magazines de cinéma et les magazines de fans".

    "Je veux que tous les gars de la ville sachent que tu m'appartiens !"

    En 1946, après avoir signé un contrat avec la Twentieth Century Fox, Marilyn continuait de lutter pour s'imposer comme actrice. L'année suivante, elle signa un nouveau contrat avec la Columbia Pictures. Après avoir passé un essai, elle déclara que le directeur du studio, Harry Cohn, l'avait invitée pour faire un voyage en yacht. Elle répondit qu’elle n’irait que si la femme de Cohn y allait aussi, ce qui fit passer son contrat à la poubelle...

    Capture d'écran
    L'article publié dans Motion Picture and Television Magazine.

    Il y a aussi le loup "paternaliste", comme cet agent artistique rencontré à Hollywood qui lui assurait vouloir, ironiquement, la protéger des autres loups, lui prêtant même de l'argent à une époque où elle avait encore du mal à payer son loyer.

    "J'ai insisté pour signer des billets à ordre pour les deux premiers versements et il a pris cela comme une grosse blague. Il a accroché mes billets à ordre dans un cadre au mur de son bureau. Je lui ai dit que je n’appréciais pas qu’il fasse savoir à tout le monde que j'avais une dette envers lui. "Je veux que tous les gars de la ville sachent que tu m'appartiens !" m'a-t-il répondu avec un sourire suggestif".

    "La survie d'une fille au milieu d'une meute de loups dépend entièrement d'elle. Si elle essaie d’obtenir quelque chose pour rien, elle finit souvent par donner plus que ce qu’elle avait négocié. Si elle joue le jeu honnêtement, elle peut généralement éviter des situations désagréables et elle gagne le respect même des loups" lâchait-elle en guise de conclusion.

    D.R

    Dans son autobiographie non publiée, My Story, elle écrivait : "Vous savez que lorsqu’un producteur appelle une actrice dans son bureau pour discuter d’un scénario, ce n’est pas tout ce qu’il a en tête. J'ai couché avec des producteurs. Je serais une menteuse si je disais que non".

    "Marilyn a vraiment été l'une des premières grandes stars à s'exprimer sur ce que l'on appellerait aujourd'hui le harcèlement sexuel" commentait Sarah Churchwell, professeure de littérature américaine à la School of Advanced Study de l'Université de Londres, et auteure de The Many Lives of Marilyn Monroe. "Elle parlait d'une culture dans laquelle les femmes n'étaient pas en sécurité, [et] tout ce qu'elle voulait souligner était que cela se produit encore et encore".

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