Mon compte
    Zoom sur... Claire Pérot

    A partir d’octobre, Paris puis la France entière vont retentir au son des chansons désormais cultes de l’une des plus grandes comédies musicales qui soit, "Cabaret". L’occasion pour nous de rencontrer celle qui, avec courage et talent, s’est glissée dans les porte-jarretelles de Sally Bowles, rôle rendu célèbre par l’incontournable Liza Minnelli, rien de moins. Pleins feux sur Claire Pérot !

    La première chose qui marque quand on rencontre Claire Perot, c’est son look. Bottes à strass aux pieds, cheveux courts en pétard  aussi noirs que la tenue qu’elle porte, tatouages sur les bras et le dos. Puis elle vous parle, d’une voix que l’on n’imaginait pas si douce. Elle vous tutoie et vous presse, comme si elle vous attendait depuis cent ans et que les minutes vous étaient désormais comptées. Elle est un paradoxe. Une petite fille déguisée en punkette. A la voir ainsi, on se demande comment Claire Perot,  si jeune, si chétive et pétillante en apparence, peut interpréter Sally Bowles, l’atemporelle et désespérée meneuse du Kit Kat Club. Et pourtant…

    "Tu vas savoir enfin ce que je suis, Mein Herr…"

    Une fois à l’intérieur du théâtre Marigny, la jeune femme se métamorphose. Elle devient gouailleuse, rigolarde, et nous fait visiter les lieux non sans une certaine fierté, comme un appartement récemment aménagé dans lequel les perches, caisses de costumes et autres accessoires seraient autant de souvenirs qu’elle aurait amassés en cours de route. Il faut dire que le théâtre, les planches, c’est un peu chez elle. Après des années d’études au conservatoire et au Studio des variétés, elle connait une première expérience de la scène (en 1996, dans La Religieuse de Diderot), puis une deuxième, une troisième, une quatrième. ..  Si bien que l’on peut tout de suite voir en Claire Perot une actrice de théâtre en devenir. En 2000, elle partage même l’affiche de la pièce Concia Bonita avec Catherine Ringer, qui lui offre une première expérience (décisive) de la comédie musicale.

    Claire Perot © Yann Stofer

    Cependant, c’est sans compter sur son insatiable curiosité et son énergie à revendre, qui la poussent à multiplier les activités, des téléfilms à l’animation d’émissions en passant par le cinéma (Le Doux amour des hommes de Jean-Paul Civeyrac) : "Je fonctionne à… c’est presque comme une énergie du désespoir quotidienne. C’est-à-dire que si je ne trouve plus de support pour m’exprimer, ça ne va pas. Alors je les prends tous, dès que je peux", nous explique-t-elle, presque en s’excusant. Reste que c’est sur les planches qu’elle se fera un nom, en adoptant celui de Sally Bowles, l’héroïne de la comédie musicale culte Cabaret : "Pas comédie musicale, mais pièce de théâtre avec des parties chantées", corrige-t-elle, en poursuivant : "Sam Mendes y tient". Le rôle est exigeant, magnifique ("l’un des plus beaux du répertoire"), et l’interprète s’y plonge toute entière : "Le metteur en scène américain, quand il a commencé à nous diriger il y a cinq ans, nous  a dit : ‘Ca va changer votre vie’. Nous, on a rigolé, en se disant : ‘Ouais, c’est bon, ils nous disent tous ça’. Mais oui, ça a vraiment changé notre vie."

    Le public français, peu habitué aux spectacles de ce genre, ne s’y trompe pas et lui réserve un triomphe : les représentations se multiplient (450 entre octobre 2006 et janvier 2008), les spectateurs (350.000 au total) et les récompenses, aussi. La petite Claire devient grande et apprend les exigences de l’excellence.  L’expérience est telle, d’ailleurs, que la comédienne accepte en 2011 de se poser, de mettre un frein à sa frénésie et, pour la première fois de sa carrière, de revenir en arrière pour réendosser un costume qu’elle dit n’avoir de toute façon jamais quitté : "Pendant les trois années durant lesquelles Cabaret n’a pas été joué, il n’y a pas eu une seule journée où on n’y a pas pensé." Mais si les bottines, les bas troués et la perruque à frange de Sally n’ont pas changé en trois ans, son interprète, elle, n’est plus vraiment la même.

    "Tout peut arriver, tout va changer !"

    Les trois années qui séparent ses deux visites au Kit Kat Club, Claire Perot les a en effet passées dans un état d’extrême activité. Téléfilms, théâtre, ciné, elle a tout essayé. Des quelques neufs projets qui l’occupent, le grand public en retiendra surtout un : Mozart, l’opéra rock, une comédie musicale (encore) au succès fulgurant et dont l’univers rock lui correspond bien. Si l’exercice complet que suppose ce type de spectacles n’est pas nouveau pour elle, son ampleur la prend au dépourvu. Claire Perot découvre ainsi les marathons promotionnels, les budgets faramineux, les fans qui vous attendent des heures à la sortie des loges, une photo et un stylo à la main. A titre plus personnel, cette expérience lui permet surtout d’endosser pour la première fois le costume d’épouse et de mère en la personne de Constance, femme du génial compositeur. Un rôle qui fait écho à la vie de la jeune femme, cueillie par la maternité au sortir de l’adolescence : "Constance, c’était une notion de maternité assumé, vivante. Sally… c’est un petit peu plus mortuaire", plaisante-t-elle. Reste que l’une comme l’autre sont des muses, des étoiles filantes : ce sont ces rôles qui l’intéressent plus que tout.

    Claire Perot dans "Cabaret"

    Voir un autre extrait du spectacle

    Tour à tour meneuse de music-hall désespérée, femme dévouée puis danseuse cabotine chez Luc Besson (Adèle Blanc-Sec, 2010) et femme flic chez Fred Cavayé (A bout portant, 2010) pour le grand écran, Claire Perot se passionne pour les femmes passionnées. Attirée par les extrêmes, qu’elle dit avoir connus, la jeune interprète mélange habilement vécu et innocence : "Je fais partie de ces gens qui considèrent que la meilleure école de théâtre, c’est la vie. Il suffit d’observer autour de soi pour se rendre compte qu’on est entouré de personnages. Même dans la vie, on est des personnages. Comme dans La Comédie Humaine de Balzac." Pas surprenant de la part de quelqu’un qui, tous les soirs, chante que "la vie est un grand cabaret"… On ne lui demande pas si, à l’instar de Sally Bowles, elle "adore ce cabaret", mais quelque chose dans son enthousiasme et ses yeux qui brillent nous dit que c’est le cas. En effet, et bien qu’elle se refuse à se projeter "car on est toujours déçu", on sent en elle l’envie de concrétiser quelques projets.

    "Demain n’appartient qu’à moi"

    Et des projets, Claire Perot en a ; des rêves, aussi : "J’ai des objectifs tous les jours, c’est terrible", dit-elle sur un ton à la fois amusé et sérieux. Si elle admet qu’une fois la tournée terminée (en mai prochain) la priorité sera accordée au repos et à son fils, Nino, Claire Perot souligne un manque, "une petite faille" dans sa carrière qui la taraude : un disque. En effet, celle qui, sur scène, est capable tout à la fois de jouer, danser et chanter n’a jamais enregistré d’album bien à elle. Ce sera bientôt chose faite, avec la complicité du réalisateur (et metteur en scène de Cabaret) Olivier Dahan. "Ca va prendre du temps, c’est une volonté de prendre du temps, parce que c’est un projet très pointu, ce qu’on appelle un album-concept." Ledit concept sera une femme, bien sûr, la femme, à la fois forte, passionnée et fragile, femme sexy et femme enfant, Marilyn. "Ca vous étonne ?", s’esclaffe-t-elle devant notre mou étonnée. Ce qui nous surprend, c’est de ne pas l’avoir deviné, tant l’icône correspond parfaitement à ces personnages que la jeune femme nous disait admirer.

    Claire Perot dans A bout portant © Gaumont Distribution

    Doit-on y voir également un attrait pour le grand écran ? Bien sûr ! Claire Perot aime le cinéma. Elle dit ainsi adorer pêle-mêle le personnage de Nikita (de Besson, duquel elle ne garde que de bons souvenirs), le dernier film d’Almodóvar et la scène de la 2CV dans Le Corniaud. Quand on s’étonne de l’absence de comédies dans sa carrière, elle répond que ce n’est pourtant pas l’envie qui lui manque, mais que ce registre n’est pas le plus naturel pour elle. "Ce serait énormément de travail pour moi, justement parce que je suis peut-être encore trop dans la sensibilité de mon jeu. Mais j’aimerais y venir, vraiment. Je pense que ce serait comme une espèce de lâcher-prise." Invitée à rêver, elle s’imagine dans "un blockbuster complètement fou", en "extra-terrestre qui pète la gueule à tout le monde" chez Ridley Scott, Michael Mann ou même Scorsese, les traits dissimulés sous un "maquillage de fou furieux". Plus pragmatiquement, elle aimerait bien tourner devant la caméra d’Olivier Dahan. Un jour, sans doute, après une tournée à son nom (qu’elle souhaite), après son album, après Cabaret. Elle ne voit de toute façon pas si loin.

    Les lumières s’allument sur la scène, les techniciens s’activent derrière leurs consoles, et l’on comprend que l’heure est à la conclusion. On lui laisse la parole, et lui demande de se résumer en une phrase, extraite de la pièce qu’elle défend actuellement. Elle prend soudain l’air grave, réfléchit, pour la première fois silencieuse, puis murmure : "C’est drôle, ça finit toujours comme ça. Même quand je finis par tomber amoureuse pour la première fois. Mais c’est jamais assez…"

    Caroline Véron

    Interview Claire Pérot

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top