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    Quand le réalisateur de "Manchester by the Sea" tacle le Monde de Narnia de Disney...
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Réalisateur et scénariste à qui l'on doit notamment le script du "Gangs of New York" de Scorsese, Kenneth Lonergan évoque une chose qui l'agace profondément dans les blockbusters hollywoodiens : les pseudos séquences d'introspections existentielles..

    Réalisateur du film à venir Manchester by the Sea, dont on parle d'ailleurs beaucoup comme potentiellement oscarisable, notamment la performance de Casey Affleck, Kenneth Lonergan est aussi scénariste, avec plus (Gangs of New York de Scorsese) ou moins (Les catastrophiques aventures de Rocky & Bullwinkle) de bonheur.

    Lors d'une séance de lecture de scripts organisée au sein de la British Academy of Film & Television Arts (BAFTA), le cinéaste - réalisateur a ainsi lu de très longs extraits des scripts des films de la saga Narnia, produite par Disney de 2005 à 2010. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas beaucoup d'estime pour ces films...

    En guise de hors-d'oeuvre déjà, la première flèche est décochée contre une production Disney / Marvel, en l'occurence Captain America.

    "Cela fait déjà plus de 30 ans qu'on voit ça au cinéma, mais le systématisme du côté "petite introspection personnelle / existentielle" dans les Blockbusters hollywoodiens donne juste envie de se suicider. A la rigueur, ca serait tolérable dans un Soap Opera, mais maintenant ca a infecté tous les genres de films dans lesquels ce genre de considérations n'ont rien à faire là, comme la science-fiction ou la Fantasy. Captain America se doit d'avoir sa petite séquence introspective du héros, sinon ce n'est pas bon juge-t-on à Hollywood. Je ne sais pas où ils ont eu l'idée que les gens voulaient voir ce genre de chose dans ce genre de film, mais ils ne peuvent pas s'en défaire. C'est hallucinant. Moi, je veux voir Captain America lancer son bouclier et frapper les gens, avoir de gros ennuis et s'en sortir. Je ne suis absolument pas intéressé par sa progression émotionnelle ! Et je pense que personne ne l'est. Pourtant, ils continuent de nous mettre ça dans les films, encore et encore."

    Voilà pour le premier tacle ou crochet du droit. L'intéressé enchaîne : "D'ailleurs, un de mes exemples préférés de ce problème - est-ce que l'un d'entre vous a vu un de ces films de la saga Narnia ? Vous connaissez tous les livres ? Bien sûr que oui. Et bien j'adore les livres, mais je déteste les films. En fait, le 3e volet est passable, mais les deux autres... Il y a un moment dans Le Monde de Narnia : chapitre 1 -je n'aime pas critiquer publiquement le travail des autres parce que je ne suis pas Critique de métier, mais c'est trop dur à supporter".

    L'objet du profond agacement de Kenneth Lonergan ? "Susan et Peter sont sur un morceau de glace sur une rivière gelée, et qui vient de se briser. De gros morceaux de glace dévalent la rivière, vers de dangereuses chutes d'eau. Des deux côtés de la rivière, ils sont cernés par des loups -énormes, en CGI- qui grognent après eux, prêts à les tailler en morceaux. Et Peter a une épée donnée par le Père Noël j'imagine. Il se tient là, et Susan lui dit : "ce n'est pas parce que quelqu'un t'a donné une épée que ca fait de toi un héros Peter !" Et là je me suis dit : "mais ils ne sont pas sérieux ?? Ce n'est absolument pas le moment de balancer ce genre de réplique et d'avoir ce genre de discussion ! D'ailleurs, ca ne l'est à aucun moment".

    Et Lonergan de s'interroger : "pourquoi est-ce là ? Qui a envie d''entendre et de voir ça ? Personne. Personne ne veut même écrire ce genre de truc. Alors évidemment, je sais que c'est là parce qu'on me fait comprendre "que c'est important de voir Susan et Peter se livrer à leur petite séquence d'introspection / existentielle, on ne veut pas juste voir une meute de loups et d'épées. Qui veut [seulement] voir ça ?" Et bien moi justement !"

    In Fine, le réalisateur dénonce la (grosse) propension hollywoodienne à tordre le matériau d'origine et la faiblesse de l'écriture, en citant l'exemple du second volet du Monde de Narnia, le Prince Caspian. Dans le livre dit-il, "le Prince Caspian et Peter s'entendent bien dès le départ. [...] Dans la première scène qu'ils ont tous les deux dans le livre, Peter dit : "je ne suis pas ici pour te remplacer, je suis ici pour t'aider". [...] Et je savais, je savais qu'en voyant le film, on verrait inévitablement une lutte entre le Prince et Peter. Et les voilà effectivement, se maudissant et s'engueulant mutuellement [...] alors même qu'on sait déjà qui sera le roi. On peut voir arriver des kilomètres à l'avance l'évolution de l'intrigue. C'est désespérant".

    Pour rappel, il y aura prochainement un Reboot de la saga Narnia.

    En attendant, vous pourrez toujours aller voir le 14 décembre prochain son nouveau film, Manchester by the Sea, dont voici la bande-annonce :

     

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