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    D'après une histoire vraie : "Le romancier n'est pas le mieux placé pour s'adapter lui-même" selon Delphine De Vigan

    Mis en scène par Roman Polanski, sur un scénario qu'il a co-signé avec Olivier Assayas, "D'après une histoire vraie" permet à Delphine De Vigan de voir l'un de ses plus célèbres romans adapté au cinéma. Et elle évoque l'adaptation à notre micro.

    Après No et moi et le téléfilm Les Heures souterraines, c'est au tour de D'après une histoire vraie d'avoir droit à son adaptation. Signée Roman Polanski, sur une scénario d'Olivier Assayas et avec Eva Green et Emmanuelle Seigner dans les rôles principaux, celle-ci sort en salles après un passage par le dernier Festival de Cannes, où l'auteur Delphine De Vigan avait évoqué le film à notre micro.

    AlloCiné : J'imagine que plusieurs adaptations du roman vous ont été proposées. Pourquoi avoir dit oui à Roman Polanski ? Est-ce parce que vous avez vu des similitudes entre cette histoire et certains de ses films ?

    Delphine De Vigan : Le simple fait que ce soit Roman Polanski m'a convaincue. Et comme beaucoup de romanciers contemporains, je m'inspire beaucoup du cinéma, qui me nourrit. Le roman est d'ailleurs très référencé sur le plan cinématographique, puisqu'il renvoie à pas mal de films, de façon explicite ou implicite. J'ai très souvent pensé au cinéma de Roman Polanski en écrivant "D'après une histoire vraie" - ainsi qu'à celui d'autres cinéastes - car il y a des thèmes qui sont proches et que l'on retrouve dans son travail, et en particulier dans des films plus anciens tels que Le Locataire ou Répulsion, auxquels j'ai pu penser en écrivant. Et j'imagine qu'il y a pensé aussi en me lisant.

    Avez-vous songé à adapter le roman vous-même, dans la mesure où vous aviez déjà réalisé un film ["A coup sûr", sorti en 2014, ndlr] ?

    Non, pas du tout. Je ne me considère absolument pas comme une réalisatrice, et cette expérience était plus un pas de côté pour moi, une opportunité que je ne regrette en rien car j'ai beaucoup appris en réalisant moi-même, pour ce qui est d'écrire pour le cinéma notamment. Et quand bien même l'idée de repasser derrière la caméra me reprendrait, ce ne serait surtout pas pour m'adapter. Dans ces cas-là, le romancier n'est pas forcément le mieux placé pour s'adapter lui-même.

    Une adaptation, c'est un auteur, un créateur, qui s'empare du travail d'un autre

    Est-ce vous qui avez choisi Olivier Assayas pour faire ce travail d'adaptation ?

    Non, c'était le choix de Roman. Tout cela ne m'appartient plus, d'une certaine manière. Dès lors que j'accepte de céder d'un roman, il y a quelque chose qui m'échappe, et je crois que c'est souhaitable comme cela. Il m'est arrivé de ne pas me sentir capable de lâcher prise, sur mon précédent roman ["Rien ne s'oppose à la nuit", ndlr] notamment, puisque j'ai refusé toutes les précédentes propositions d'adaptation, car je ne l'imaginais pas pouvoir être adapté, pour différentes raisons. Dans le cas de "D'après une histoire vraie", ça m'amusait vraiment de voir comment un cinéaste, et en particulier Roman Polanski, pouvait s'en emparer pour en faire son oeuvre. Car c'est ça une adaptation, c'est un auteur, un créateur, qui s'empare du travail d'un autre.

    Avez-vous quand même été impliquée sur le projet, en tant que consultante ou pour le choix des actrices ?

    Pas du tout. J'ai lu le scénario avant qu'il ne soit tourné et j'ai été invitée deux ou trois fois par Roman Polanski sur le tournage, car ça m'intéressait beaucoup de venir et de le voir travailler. J'ai été ravie de pouvoir faire cela, mais je ne suis pas du tout impliquée dans la fabrication du film en soi. Pour moi, ce sont vraiment deux choses différentes, et c'était déjà le cas pour les deux premiers de mes romans qui ont été adaptés [No et moi, et Les Heures souterraines, ndlr]. J'ai toujours lâché prise.

    Qu'avez-vous ressenti lors de votre visite sur le plateau, quand vous avez vu vos personnages prendre vie ?

    Ça n'est pas tellement sur le tournage que je l'ai ressenti. A ce moment-là, ce qui m'intéressait c'était surtout de voir Roman travailler, comment il mettait ses plans en place et dirigeait ses acteurs. Ou ses actrices, en l'occurrence. C'est plus lors de la vision du film que j'ai vu s'incarner à travers des comédiennes ces personnages que j'ai imaginés et avec lesquels j'ai vécu pendant un certain temps - car on est en état d'occupation lorsque l'on écrit. C'est assez émouvant.

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    Y a-t-il une scène du film qui vous a particulièrement surprise, dans sa façon d'être transposée sur grand écran ?

    Non, j'ai plutôt été surprise par des scènes qui ne sont pas dans le roman. Mon livre est comme une mise en abyme de plusieurs choses, et le film le fait à un degré supplémentaire, dans le sens où Roman Polanski et Olivier Assayas se sont probablement inspirés d'éléments qui me concernent en tant qu'auteur et pas narratrice du roman. La Delphine du livre est un personnage, mais dans le film, elle sans doute nourrie de choses plus personnelles, ce qui donne lieu à des scènes qui ne sont pas dans le roman. Ou de façon pas aussi détaillée. Ça m'a aussi bien surprise qu'amusée.

    Maintenant que "D'après une histoire vraie" a fait l'objet d'un film, cela pourrait-il vous inciter à lâcher prise et accepter une adaptation de "Rien ne s'oppose à la nuit" ?

    Non, c'est un roman qui, pour plusieurs raisons, ne doit pas être adapté.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 27 mai 2017

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