La Sagrada Familia : les secrets du tournage

L'histoire de La Sagrada Familia se déroule sur trois jours, exactement le même temps qu'a duré le tournage. Celui-ci a été basé sur l'improvisation. L'objectif n'était pas d'obtenir la scène parfaite mais, en tournant beaucoup de variantes d'une même situation, de profiter de cette richesse de matériel au montage, ce processus permettant à l'histoire d'"apparaître". Comme dans la continuité du film, le tournage a commencé un vendredi et s'est achevé un dimanche. Ainsi, les acteurs ont pu entrer directement dans l'histoire, dans les conflits et les vivre chronologiquement, sans jamais sortir de leurs personnages. "Avec cette "méthode", explique Sebastián Campos, nous avons essayé de "vivre" La Sagrada Familia en cherchant l'histoire au croisement de ce que nous avions planifié et du hasard jusqu'à ce que surgisse le film qui semblait caché à l'intérieur de nous tous."

Le réalisateur Sebastián Campos a d'abord pensé à la forme avant de se consacrer à l'histoire. "Depuis l'année 2000, j'utilise la même façon de tourner, explique-t-il. J'écris un scénario sans beaucoup de détails et sans dialogues, j'utilise l'improvisation au moment du tournage et je fais un gros travail de montage. J'ai réalisé trois courts-métrages de cette façon et je savais que je pouvais réaliser un long de cette manière. Il me fallait juste une histoire. J'étais sûr qu'on pouvait faire un film en improvisant et l'écrire ensuite réellement au montage avec l'image et le son, plutôt qu'avec du papier et un crayon. Lorsqu'une amie m'a raconté qu'elle avait passé un week-end dans la famille de son petit ami architecte, dans leur maison du bord de mer, cette histoire m'a intéressé, il m'a semblé qu'elle avait un potentiel. Mais j'ai vraiment senti que je tenais mon histoire quand j'ai eu l'idée de la situer pendant le week-end de Pâques."

Le titre La Sagrada Familia peut être sujet à de multiples interprétations. "C'est Jésus, Marie et Joseph, et Joseph est charpentier, confie le cinéaste. La Sagrada Familia relève du sacré et du profane. Il y a aussi le thème de l'architecture, de Gaudí, de la cathédrale. Pour un étudiant en architecture, Gaudí c'est comme Andrei Tarkovski pour un étudiant de cinéma. Gaudí, c'est l'exception, le génie, la liberté totale, l'utopie. J'aimais bien l'idée que le personnage du fils ait cette ingénuité en contrepoint de la vision plus moderniste et pragmatique de son père, également architecte. Là aussi, il y a un conflit possible entre deux visions et deux éthiques de l'architecture."

La musique de La Sagrada Familia a été composée par Javiera, une institution vivante au Chili. Comme l'explique Sebastián Campos, "elle est la fille d'Ángel, la petite-fille de Violeta... Des musiciens de naissance !" "J'avais besoin d'une chanson pour le personnage de Rita, poursuit-il. Celle-ci chantonne à un moment, quelque chose de très subtil mais j'avais besoin de savoir quoi. J'ai appelé Javiera pour savoir si elle avait une idée de groupe dont je pourrais utiliser un morceau et elle m'a tout de suite proposé de me composer une chanson, spécialement pour le film ! Comme cette chanson nous a tout de suite plu, nous lui avons demandé de composer toute la bande sonore."

Dans sa démarche de "recherche intuitive", le réalisateur Sebastián Campos a été influencé par le cinéma chilien des années Allende, son sentiment d'urgence, sa forme documentaire. "Ce sont des films entre le documentaire et la fiction, explique-t-il. L'utilisation de l'improvisation, le style plutôt cru... C'est assez contemporain finalement. Pour ma part, j'ai éprouvé une grande émotion en découvrant qu'il y avait une logique bien chilienne de fonctionner et très latino-américaine en même temps. Cela a quelque chose à voir avec le manque de moyens mais compensé par le dynamisme, donc quelque chose de très fort émotionnellement."

Né le 8 mars 1974 à Santiago de Chile, Sebastián Campos est diplômé de l'Ecole de cinéma du Chili. Il réalise plusieurs courts-métrages en 16mm, des clips vidéo et des films pour la télévision en numérique. Il écrit et réalise Ciudad de maravillas, une des histoires du long-métrage collectif Fragmentos urbanos. En 2005, il coréalise avec Carlos Fuentes Cero, un documentaire basé sur du matériel inédit de la chute des Twin Towers de New York. Il dirige également pour la télévision une série documentaire à succès, intitulée Mi mundo privado. La Sagrada Familia est son premier long-métrage.