Naturellement, c’est plus respectable qu’un Clavier ou un Van Damme, mais c’est un échec complet. La faute à l’esprit de système qui a présidé à la réalisation : gros plans étouffants, plans sombres à en être illisibles, rythme mortifère, format antédiluvien... C’est profondément barbant. Plus profondément, la gestion des ellipses par Brizé ne fonctionne pas. Le film est « symptomatique » comme il y a des traitements médicaux symptomatiques : Brizé ne filme jamais les faits, mais s’attarde — ô combien — sur leurs annonces et sur leurs conséquences : mariage, masque tombé par le mari, meurtre des amants... Nous sentons le fumet de la volaille, nous en distinguons (à grand-peine) les reliefs, mais on a oublié de nous convier au repas. Pour les morts, j’ai à vrai dire cru longtemps que c’était une crainte ou un fantasme de l’héroïne et me demandais où était passé le mari:), avant de comprendre — enfin — que non, il était vraiment mort ! Le seul parti pris qui pourrait fonctionner est celui du jeu naturaliste, ou sans apprêt, souligné par la pureté de langue des poèmes et lettres cités. Mais, l’absence de toute émotion, hors quelques parties de rires factices, nous interdit de sortir de l’ennui. Où est passé Maupassant ? Il en reste le menu (sans les plats...), mais pas son regard corrosif, sa cruauté, son talent de peintre et d’ethnologue... Jamais je n’ai trouvé un Maupassant (texte, pièce ou film) aussi fade et sans âme. Certains réalisateurs semblent penser que se planter devant un visage inexpressif durant 2 minutes va nous faire entrer dans le personnage avec l’acteur et partager les émotions qu’il ne montre pas. Hélas non ! Koulechov avait démontré pourquoi : le sens du récit, et l’investissement qui en résulte de notre part, viennent du montage : quand celui-ci se résume à une morne juxtaposition, rien ne se passe. Quel dommage eu égard au travail fourni par tous et aux (grands) acteurs qui ont accepté ce pari !