J’ai toujours aimé Guillermo Del Toro, son univers, son amour des monstres, ses excès, ses délires mais là, peut-être à cause du concert de louanges que son dernier film a reçu, je dois dire que je suis très déçu.
Une part de ma déception tient à la « non crédibilité » du film. Et là, je dois ouvrir une parenthèse pour expliquer ce que j’appelle la « crédibilité » d’un film :
-Je ne parle pas de réalisme. Si je veux du réalisme, je vais voir un documentaire, je parle bien de crédibilité. Exemple, peut-on ouvrir à main nu le réservoir de Kérosène d’un avion ? De façon réaliste non, de façon crédible oui. C’est ce qu’on appelle la suspension de crédibilité. Des films sont bâtis sur cela comme les James Bond. Mais si on pousse ça trop loin, comme dans Moonraker, on n’accepte plus et on rigole.
-Dès qu’on va voir un film de SF, ou fantastique, on est très ouvert à cette suspension de crédibilité. Mais cela ne doit pas empêcher l’auteur de rester crédible. Et quand tout un scénario n’est pas crédible, c’est tout le film s’effondre. Exemple : Alien Covenant, film ridicule qui veut nous faire croire que des scientifiques et « terraformateurs » expérimentés sont capables de débarquer sur une planète inconnue sans combinaison ni analyse de nouvel atmosphère ! Evidement qu’ils se font contaminer. Désolé mais là je ne marche pas.
Voilà pour ma parenthèse. Dans Blade II, Guillermo au 2 tiers du film tombe dans ce piège, en bâtissant un faux suspens non crédible. Explication : au début du film les gentils vampires affrontent Blade avec une combinaison anti UV qui les protège des projecteurs anti vampire du héros. Plus tard leurs mission consiste à aller poser une bombe UV dans le nid des méchants vampires « au risque de leur vie » nous dit le film. « Ha bon ? répond-je, personne ne pensent à mettre cette combinaison. Non ? J’ai pas compris, j’ai décroché.
Et donc Shape of Water me direz-vous ? et bien un mélange d’Alien Covenant et Blade II. L’histoire, dans les années 50 (vraisemblablement) une femme muette travaille comme femme de ménage dans une base militaire. Mais au vu des choses qu’elle renferme (les meilleures scènes du film), c’est une base qui doit être ultra secrète. Un jour, elle et sa collègue sont appelées pour nettoyer en urgence un laboratoire qui doit accueillir un « monstre » aquatique.
Et c’est là que le film dérape. En effet, il suffira à la dame de poser sa main sur le « sarcophage » de la bête pour en tomber amoureuse puisque dans le reste du film, rien d’autre ne nous sera proposé pour expliquer cette idylle. Les autres personnes qui poseront leurs mains aussi, eux resteront insensible aux charmes de la bête. Ensuite dans cette enceinte militaire, recelant des tas de projet top secret, les femmes de ménages ont accès libre à tout, permettant à la soupirante de pouvoir déjeuner tout les jour avec son Roméo, sans que personne ne s’en rende compte. J’aurais aimé y croire, mais non, trop c’est trop. Cet amour me semble fabriqué et faux, non crédible, et sans un souffle de romantisme. Pour moi le film s’effondre comme Alien Covenant.
Avant cela, le reste du métrage est pas mal du tout, avec une galerie de personnages qui ont tous en commun une « monstruosité » (que certains doivent cacher comme l’homosexuel, l’espion, et que les autres doivent faire avec comme la collègue noire en période de ségrégation, la muette), et ils vont finir par s’entraider pour une cause commune, sauver un vrai monstre.
Mais, pour mieux souligner son propos, Del Toro met ses « monstres » dans des situations non crédible (comme Blade II).
Le vieux gay se prend un râteau de la part d’un bel éphèbe que tout bon spectateur savait hétéro. Passons sur l’évasion, mais l’enquête est moyennement crédible. Et puis surtout la maladie de la bestiole très artificielle servant surtout le scénario.
Tout cela rend le film balourd, surlignant avec de gros marqueur l’idée générale au point de presque atteindre la lourdeur d’un « Tree of life » ou « Mother »
En résumé, une énorme déception.