Si la filmographie d'Alex Garland (Dredd - 2012, Annihilation - 2019) ne parlera pas à beaucoup de monde, tant ses oeuvres sont souvent symboliques et dénuées de tout attrait commercial.
On doit lui rendre hommage de filmer une guerre civile, dans un futur proche aux Etats-Unis, qui a un intérêt fort pour le spectateur, au-delà de la simple curiosité sur ce pays malade de sa démocratie.
Le parti-pris ici n'est pas de raconter la guerre civile en elle-même, mais plutôt le voyage de plusieurs journalistes de guerre dans cette époque, avec le risque du danger, la volonté de documenter un évènement majeur qui touche leur pays, et une certaine idée du journalisme.
À l'image des livres, documentaires et entretiens tenus par des journalistes de guerre, les décisions que prennent ses journalistes vont du risque calculé, au fait d'être au mauvais moment au mauvais endroit.
Le mise en scène est la plus sobre au possible, il n'y a jamais de musique qui enroberait ce que l'on nous montre. Comme les coups de feu qui résonnent dans la salle de cinéma, cassant le silence de la manière la plus froide et sordide possible.
Il n'y a pas de morale au film, chaque personnage est pris dans les évènements, bon ou mauvais, chaque décision qu'ils ont pris les affectent d'une manière ou d'une autre. Ne vous attendez pas à un absurde happy end.
Le violence de la société et de la guerre se retrouve dans les actions des soldats : exécution d'un ennemi blessé, exécution de combattants s'étant rendus, tirs à l'aveugle sur des passants, exécution sommaire de civils.
La violence n'est pas embellie, elle reflète la cruauté, la laideur de ses auteurs, leur libre-arbitre, tant les soldats et rebelles armés vus dans le film n'ont aucune limite par l'absence de sous-officiers ou de possibilité d'en rendre des comptes à qui que se soit.
Si le film met en avant le travail incroyable des reporters, il met aussi en scène leur inconscience, leur prise de risque stupide, leur besoin d'adrénaline.
Le casting est particulièrement réussit :
Kirsten Dunst joue à merveille cette reporter de guerre aguerrie, très au fait des risques pris par ses collègues, et qui ressasse en permanence toutes les horreurs dont elle a été témoin au fil de sa carrière.
Wagner Moura joue avec brio ce journaliste accro au scoop, professionnel, cool, avec de la tchatche, qui se sent comme un poisson dans l'eau, malgré les situations tendues.
Cailee Spaeny (Sale temps à l'hôtel El Royale) crève l'écran dans le rôle de cette jeune journaliste débutante, qui essaye de prendre ses marques auprès de collègues beaucoup plus expérimentés, sensible, touchante, vulnérable, mais avec une force intérieure.
On trouve d'excellents seconds rôles : Stephen McKinley Henderson en vieux journaliste qui rassure par sa présence, Nelson Lee (Ahsoka) dans un rôle fugace mais maîtrisé, Nick Offerman en Président américain au bord du gouffre.
Mention à la séquence stupéfiante avec Jesse Plemons, qui installe une violence ordinaire et absurde comme peut l'être la guerre.
Un film qui prends aux tripes, qui ne romance pas l'horreur de son propos, qui invite à réfléchir à l'avenir de son pays, et au saut dans l'inconnu qu'est une guerre civile.