Léa Salamé, cette "grande critique cinéma" n'a cessé de le rappeler sur le plateau de Laurent Ruquier où sur France 2 on fait longuement la promo des séries de ...France 2, "Dix pour cent, c'est très réussi, c'est moderne, moderne, moderne"
Le parisien a consacré sa une de Mercredi pour enfoncer le clou : la meilleure série de l'année est française!!!!!!!!!
Et AlloCiné s'est fendu d'un long article élogieux. Ce qui est plus légitime, vu qu'ici on est au moins dans le sujet et l'actualité qui nous occupe.
Canal + avait refusé la série au motif qu'elle n'était pas assez trash, Besnéhard lui ose la référence Altman qui n'en demandait pas tant, le pauvre, même si on se souvient que ce grand inventeur de formes qui a aussi raté pas mal de films, s'était risqué, avec des bonheurs divers, à deux satires du monde du cinéma et de la mode, The player en 1992 et Prêt à porter 2 ou 3 ans plus tard.
Bref le plan com' fonctionne à merveille, fait monter la mayonnaise et comme toujours à l'arrivée on se pince.
Moi J'aime bien Dominique Besnehard, c'est comme ça, je ne peux pas m'en empêcher.
J'ai beau savoir qu'il a fait beaucoup de mal au cinéma français, qu'il a saboté (ou aidé à, ou permis de saboter) la carrière d'une kyrielle de célébrités dont les médias aiment à rappeler les noms "prestigieux" sans jamais prendre de recul ni porter de jugement qualitatif (mais les spectateurs de plus en plus exigeants et de moins en moins dupes s'en chargent désormais) ces fameuses carrières (je pense aux filmographies de Nathalie Baye, Isabelle Adjani, Sophie Marceau, Béatrice Dalle...pour ne citer qu'elles et dont le moins qu'on puisse dire est que de 1985 à 2005 n'ont pas produit grand chose de mémorable pour rester neutre ou poli) je pense que c'est une bonne nounou d'artistes, un type humain, qui aime et connaît vraiment le cinéma, en cinéphile et en professionnel, plein de compassion et d'empathie, et c'est très certainement un affreux bobo de gauche, donc il me plaît. J'étais curieux de voir ce que, nourrie de son expérience et de ses anecdotes, cette série sur un milieu mal connu du grand public allait bien pouvoir engendrer.
Première impression, c'est vif, rapide, énergique, les dialogues claquent, ça accroche. Deuxième impression, "le monde du cinéma" n'est dépeint que du petit bout de la lorgnette (façon Closer ou Gala) et ne sert de prétexte qu'à un entrelacs d'intrigues (comme c'était déjà le cas pour Chefs qui lui était à peine passable et beaucoup moins bien écrit tant au niveau des personnages que de l'intrigue) de saynètes sentimentales, familiales ou plus triviales (qui concernent les agents eux-mêmes et non pas les "STARS" de la série, et Besnéhard ne s'est pas épargné, ils tous arrogants, fuyants, cyniques, lâches, méprisants) .
Entre deux répliques vachardes donc, qui survolent le sujet (ce qui plaira beaucoup au public) on nous montre donc les coulisses. Comme Michel Blanc l'avait amorcé avec Grosse fatigue, comme Maïwen l'avait déjà fait avec le bal des actrices.
Ce n'est pas non plus du jamais vu, faut pas pousser, mais les mémoires sont si courtes...
Alors bien sûr on y parle des difficultés d'obtenir un rôle pour une comédienne, passé le cap de la quarantaine, du recours à la chirurgie esthétique plus qu'encouragé par l'entourage, de la maternité qui freine une carrière (pas qu'au cinéma hein soit dit en passant), des démêlés fiscaux qui peuvent en découler, de la difficulté de trouver un rôle respectable quand on est issu des "minorités", des marques publicitaires qui les courtisent et les pourrissent de cadeaux (ça c'est expédié en 3 plans, faut pas non plus trop noircir le tableau qui est bien pire dans la "vraie vie"), de la rivalité entre comédiens, entre comédiens et metteurs en scène, de la fragilité de tout ce petit monde là, des idylles et des haines qui naissent sur un plateau, du nombrilisme, de l'égocentrisme, des caprices, des coups-bas, de la difficulté pour une maman comédienne connue de jouer avec sa fifille comédienne elle aussi..
Dans dix pour cent, les scénaristes sont bien évidemment immatures, les jeunes premiers d'insupportables caractériels, les metteurs en scène ambitieux des prétentieux de première (avec qui pourtant tout le monde veut tourner ce dont manifestement Marceau, Dalle et Adjani n'ont pas été informés dans la vraie vie), et les critiques sont bien sûr des pédants présentés comme des imbéciles. Effectivement la référence, cela se précise c'est Prêt à porter : même regard vide, creux, superficiel porté sur des problèmes dérisoires qui peuvent faire sourire (parce que traité sans vraie cruauté, faut pas charrier tout de même, nous sommes avant tout dans un vaudeville, avec son lot de rebondissements prévisibles, ces clichés et ces caricatures), mais n'apprennent pas grand chose du milieu (ou alors des choses qu'on aurait préféré ne pas nous rappeler en ces périodes de crise) et pire, semble se délecter de se renvoyer un miroir qui se voudrait peut-être touchant mais qui finalement fait plutôt pitié. Comme quoi l'entre-soi, au cinéma comme en politique c'est toujours un peu dégoutant...
Je vais au cinéma depuis 30 ans et vois 2 à 3 films par jour, j'aime le cinéma pour tout ce qui n'est pas dans la série : la somme de travail, de connaissances et de culture nécessaires pour mener à bien un film, les rapports humains qui président à sa confection, l'ouverture d'esprit qu'il est censé véhiculer, ses émotions et ses remises en question, pour sa faculté à réveiller les consciences ou à les apaiser, pour ce qu'il nous dit de l'autre, du monde ou au contraire pour mieux nous en échapper, et aussi, donc, tout naturellement pour la notion si importante et méprisée de divertissement.
Dans dix pour cent, où finalement on comprend (ce que tout bon cinéphile savait déjà depuis longtemps) que le cinéma est fait par des gens qui l'aiment peu et le connaissent mal pour un public qui l'oublie vite, l'important est qu'une actrice décroche un deuxième rôle dans le prochain Tarantino (l'Eldorado Américain, seule reconnaissance valable aux yeux des petits Frenchies") fasse rentrer des millions d'euros pour l'agence, mais que le film soit vu, (ne parlons même pas de qualité, quand on les voit dans la série au travail, on a honte pour eux) défendu, respecté, au fond tous les maillons de la chaîne s'en foutent. L'important est que les poulains de l'écurie tournent, et que producteurs (curieusement absents du tableau) et agents puissent miser sur les bons canassons ou vieux chevaux de retour qu'ils sont : le public, là dedans, comme toujours est hors-champs (sauf lorsqu'il demande des selfies évidemment, vous comprenez c'est une série...moderne, elle est surtout moderne en ce qu'elle nous instruit du désamour, désintérêt, fossé entre cette industrie et son coeur de cible, système qui se glorifie de produire 200 films par an dont 150 seront sacrifiés, mal diffusés, peu ou pas vus et où la concentration des moyens s'organisent autour d'une trentaine de titres phares, dont 2 ou 3 seront réellement de gros succès)
Finalement dix pour cent, avec son côté dynamique et séduisant, son côté "vous allez passer derrière le rideau", franchir les sens interdits (et le Français adore ça) va donner à croire à une bonne partie du public que les artistes c'est comme les politiciens, que décidément il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, population infantile et infantilisée, égocentrique et carriériste, pas professionnelle et pas toujours compétente. Belle image en effet...
Et puis il y a le gadget, faisons jouer les stars par de véritables stars qui joueraient leur propre rôle. Soit! sauf que quand Altman faisait son Player ou Prêt à porter, il avait Bruce Willis et Julia Roberts, Tim Robbins, Mastroianni, Sophia Loren, Jean Rochefort, Kim Basinger et tant d'autres... Dans une série française les stars du cinéma hexagonal s'appellent Joey Starr, Laura Smet, Line Renaud, Audrey Fleurot et .........Julie Gayet, mais on sait pourquoi elle est là et vous comprenez combien sa présence est ironique, intelligente, pleine d'auto-dérision!. Les autres "guests" s'appellent Nathalie Baye, François Berléand, Françoise Fabian et Cécile de France, mais ce sont des vedettes...pas des stars...si tant est qu'il en existe encore en France.
Alors comme pour feindre de s'étonner qu'ils aient oublié l'essentiel, les auteurs se souviennent soudain que les films existent aussi, pour encore quelque temps peut-être, pour être projetés sur grand écran et s'adresser au plus grand nombre. La saison 1 s'achève sur une très belle note, consolatrice, oecuménique et nostalgique mais tardive qui dit, tout simplement, la beauté et le pouvoir du cinéma, quand enfin nous avons terminé la visite déprimante "de ce qu'il est convenu d'appeler un zoo"
Pardon d'avoir été long, pour les quelques personnes qui me liront peut-être, mais après tout nous ne sommes pas sur Twitter et la série comporte 6 épisodes...ceci explique cela...